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20/09/2013

Grumberg par lui-même

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Jean-Claude Grumberg est de retour sur scène, au Poche-Montparnasse, « sous le regard de » Stéphanie Tesson, avec Olga Grumberg et Serge Kribus pour nous jouer ses « morceaux choisis ».

Quel privilège, pour un auteur de choisir lui-même ce qui peut constituer une anthologie de son œuvre ! Est-ce grâce à l’hommage qui lui avait été rendu, par Théâtre aujourd’hui, en juin 2012*, que Jean-Claude Grumberg avait eu envie de remonter lui-même sur les planches ?

La magie théâtrale donne un spectacle tout en finesse sur les sujets les plus graves. L’auteur est là, donnant vie à ses créatures, jouant avec des comédiens qui changent de peau et de costumes (Aude Desigaux) à vue, en un instant, sous les lumières de Jacques Puisais. 

Viennent Michu (1967) dont les scènes courtes, montre des personnages racistes, stupides et timorés, Dreyfus,(1973) des victimes qui ne savent pas voir le danger. Les Rouquins (1984), décale l’antisémitisme vers la différence. L’Atelier (1979) pose la question jamais résolue : « qui se souviendra d’eux », les martyrs du nazisme ? ça va petit vade-mecum de la rencontre, Maman revient pauvre orphelin (1992) pèlerinage intime du chagrin et de la tendresse, Pleurnichard, un chapitre de merde (2010) où l’autodérision irrigue le roman familial, puis la carrière de l’auteur et Le Petit Chaperon Uf (2005) où le Wolf porte uniforme vert-de-gris, demande les papiers, et dépouille la petite fille de son capuchon rouge et l’oblige à en porter un jaune quand il s’aperçoit qu’elle est « Uf ».

Jean-Claude Grumberg a écrit des textes intermédiaires, des interventions et tous ses extraits s’enchaînent, le rire grince, mais pas les rouages… Le « regard » de Stéphanie Tesson a été brillamment attentif et le spectacle est une réussite.

« La vie n’a pas d’âge » disait Prévert. Celle de Jean-Claude commence en 1939, mais il y a cinquante ans, il est devenu « l’auteur tragique le plus drôle de sa génération » (Claude Roy), en peignant le « cauchemar de l’histoire » avec une ironie dévastatrice.

J’en connais qui vont dire « depuis cinquante ans, il nous raconte la même histoire », eh bien ! oui, et alors ? Il nous explique le présent à la lumière de ce passé qui bégaie souvent.

Nous, qui avons eu nos enfances saccagées par le grand méchant loup, qui avons attendu en vain que nos pères reviennent, qui avons posé des questions auxquelles personne n’a pu répondre depuis soixante-huit ans, nous remercions Jean-Claude Grumberg de dire pour nous cette  douleur jamais abolie, ces rires retenus, cette tendresse inassouvie. Depuis cinquante ans, il nous atteint en plein cœur.

 

 *Voir note Théâtre aujourd'hui sur le blog 06/06/2012.

Tous les textes de Jean-Claude Grumberg sont édités chez Actes sud

 

Chez les Ufs, Grumberg en scène de Jean-Claude Grumberg

Théâtre Poche-Montparnasse

Du 17 septembre au 17 novembre

Du mardi au samedi à 19 h, dimanche 17 h 30

01 45 44 50 21

 

 

27/01/2013

Mon père, ce héros

 

 

Il n’y avait pas que Victor Hugo pour dire à son père et sa mère tout l’amour qu’il leur portait. Marcel Pagnol a, lui aussi, chanté l’amour de sa famille, et idéalisé son enfance avec La Gloire de mon père, Le Château de ma mère, Le Temps des secrets, une trilogie aussi fameuse que Marius, Fanny, César qui triomphèrent au Théâtre puis au Cinéma.Théâtre, Poche-Montparnasse, Pagnol, Stéphanie Tesson, Antoine Séguin

Stéphanie Tesson pour l’ouverture de son programme destiné à la jeunesse présente La Gloire de mon père avec un acteur. Antoine Séguin est seul en scène, avec juste un tableau noir, une craie, une chaise et un drap écru ! Le chant cuivré des cigales, le son d’un fifre et d’un tambourin, l’écho d’une farandole, par instants, rythment le temps qui passe.

Il fait bon, il fait chaud dans  le Petit-Poche, et les enfants sont sages, attentifs.

Les « plus beaux jours de sa vie », pour le petit Marcel, et son frère Paul furent ces premières vacances dans les collines de Provence, avec les « sommets qui soutenaient le ciel ».

Et il raconte bien, Antoine, les éblouissements de l’enfant, son admiration pour sa mère, sa fierté pour son père, ses joies et ses déceptions. Il a fallu tailler dans le roman, ne garder que l’essentiel, « la carcasse » du récit qui se déroule, et promène les spectateurs dans les découvertes enfantines. De l’école du Chemin des Chartreux, à Marseille, jusqu'à la Bastide Neuve de collines d’Aubagne, Marcel apprend et nous l’entendons comme le récit d’une enfance privilégiée.

Pas de MP3, de DS, de jeu électronique, mais la lampe-tempête, l’âne, la lutte des Comanches et des Mohicans, les cigales, les papillons, et les fameuses bartavelles et le bonheur jaillit…

La parole vibre, les cigales stridulent, et le spectateur s’engage derrière Antoine, à la découverte des mots, des paysages, des mensonges des hommes.

Car même les héros ont leurs faiblesses…

Mais le spectacle n’en a aucune.

On y emmène ses parents facilement. Marcel Pagnol est un auteur en qui ils ont confiance et ils ont bien raison. Stéphanie Tesson le respecte et Antoine Séguin le sert admirablement.

 

 

La Gloire de mon père d’après Marcel Pagnol

Théâtre de Poche-Montparnasse

Le mercredi à 17 h

Le dimanche à 15 h

01 45 44 50 21

 

17/01/2013

Une merveille

 

 

 

La princesse Alarica (Julie Delarme), a traversé la Germanie pour devenir la femme du roi d’Occident, Parfait XVII (Emmanuel Suarez). Elle est chaperonnée par sa gouvernante, Toulouse (Josiane Lévêque), chargée de « sauvegarder cette merveille ».théâtre,théâtre de poche,stéphanie tesson,audiberti Le Maréchal (Jean-Paul Farré) et un lieutenant (Antony Cochin) veillent sur elles. Or, lors de la dernière étape, juste avant la célébration des noces, un inconnu (Mathias Maréchal) se faisant passer pour le fiancé, s’introduit dans la chambre de la Princesse. Il parle bien, et sait toucher le cœur de la Princesse. Mais l’alarme est donnée, le suborneur assommé et caché. Il était temps, le vrai roi s’annonce avec son ministre, le Cardinal de la Rosette (Didier Sauvegrain). Parfait XVII tombe en amour devant Alarica, mais le Cardinal le rappelle aux réalités du pouvoir, et, après le don matutinal d’une somme rondelette et de deux châteaux, signifie son « congé » à la princesse. Alarica a servi d’appeau dans la chasse aux alliances de haut rang. Parfait va épouser la sœur du Roi d’Espagne, un royaume mieux coté que la Courtelande, ce pays marécageux qui ne fabrique rien « que des râteaux », et sa « capitale de paille et de pluie ». Alarica découvre « le vinaigre du monde », la lâcheté de Parfait et les sombres machinations dont elle fut l’objet. « Le mal court » dans le monde, ce serait un « crime de l’arrêter ».

Le quart de ces manigances vous briserait à jamais. Mais pas elle ! Alarica renverse la situation, et prenant les rênes de son destin avec le pouvoir, se fait acclamer reine à la place de son père, théâtre,théâtre de poche,stéphanie tesson,audibertiCélestincic, roi de Courtelande (Marcel Maréchal), et récupère son séducteur pour en faire le grand architecte des travaux infinis qui transformeront son royaume boueux en riches terres à blés.

Stéphanie Tesson en choisissant Le mal court  de Jacques Audiberti, affirme la continuité de la création en ces lieux, qui, en 1947, accueillirent la pièce. Elle aussi, comme Alarica sait faire rimer « pur et dur », et se battre pour devenir elle-même. Son univers et celui d’Audiberti vivent en symbiose. Sa réalisation est « une merveille ».

Pour la scène étroite du Poche, Nicolas Sire a bâti un décor léger, clair et efficace. Chaque comédien y trouve sa place et joue avec justesse. Josiane Lévêque qui renoue avec le théâtre pour notre plaisir, donne au rôle ingrat de la gouvernante une tendresse rugueuse. Jean-Paul Farré en courtisan opportuniste est savoureux. Mathias Maréchal est superbement séducteur, Didier Sauvegrain interprète le méchant cardinal hypocrite et madré. Un vrai Mazarin ! Marcel Maréchal spécialiste d’Audiberti compose le vieux roi dépassé par les événements. Emmanuel Suarez se coule à l’aise en jeune roi naïf manipulé par tous, et jusqu’au plus petit rôle, comme celui d’Anthony Cochin, chacun est entré avec intelligence dans le royaume audibertien. 

Julie Delarme qu’on avait adorée en savetière pétillante dans La Savetière prodigieuse de Garcia Lorca, il y a quelques années, confère noblesse et charme à la Princesse. Comme on comprend l’irrésistible attrait qui pousse le roi à vouloir renoncer à son royaume pour elle !

Les costumes de David Belugou, les lumières de Jacques Puisais, les peintures de Marguerite Danguy des Déserts, allient la fantaisie  à la poésie, et cette première, hier soir, au Poche-Montparnasse nous a comblés…

 

 

 

 photos :© Brigitte Enguérand

 

Le mal court de Jacques Audiberti

Mise en scène de Stéphanie Tesson

Théâtre de Poche-Montparnasse

75, bd du Montparnasse

www.theatredepoche-montparnasse.com

01 45 44 50 21